Là où les tigres sont chez eux, Jean-Marie Blas de Roblès

Édition J'ai Lu, 2009, 892 p
Note attribuée :  9/10 

Quatrième de couverture : Lorsque le correspondant de presse Eléazard von Wogau reçoit la biographie inédite d'Athanase Kircher, célèbre savant jésuite de l'époque baroque, il se lance sur ses traces, entraînant avec lui maints personnages aussi surprenants qu'extravagants. Véritable épopée, grand roman d'aventures, fresque étrange et flamboyante, où de minuscules intrigues se répondent et tissent une histoire du Brésil à l'aube du XXIe siècle.

Avis : Concernant le titre, il est tiré des Affinités électives de Goethe : « Ce n'est pas impunément qu'on erre sous les palmiers, &* les idées changent nécessairement dans un pays où les éléphants et les tigres sont chez eux ».

C
es presque 900 pages se composent de six intrigues interdépendantes. Cinq d'entre elles ont pour toile de fond le Brésil au début du 
XXIe siècle, la sixième est une biographie romancée d'Athanase Kircher, plyglotte & esprit encyclopédique du XVIIe siècle. Chacun des 32 chapitres débute justement par l'histoire de ce personnage qui a réellement existé, suivie alternativement d'une des cinq autres intrigues, passant ainsi d'une époque à l'autre & d'un lieu à l'autre. Cette alternance est perceptible au niveau du style : Jean-Marie Blas de Roblès (1954-) jongle admirablement entre une langue précieuse & maniérée pour la biographie de Kircher & une belle langue au vocabulaire riche pour les autres passages. Dans les deux cas, le style est assez soutenu mais reste fluide & agréable à lire.

L'auteur fait aussi preuve d'une grande érudition : une très bonne connaissance du Brésil (langue, géographie, mœurs, etc.) ainsi que de l'époque baroque (histoire, religion, philosophie, etc.). Derrière cette érudition se cache, on l'imagine, un travail de documentation assez conséquent. Il faut noter que contrairement aux livres d'Umberto Eco où parfois, & même souvent, on est dépassé par tant d'érudition, ce n'est pas le cas ici & le lecteur n'est pas « largué » principalement grâce au découpage du roman.

Jean-Marie Blas de Roblès a mis 10 ans pour mettre au point ce texte, & on comprend donc pourquoi : un travail d'orfèvre pour produire ce bijoux littéraire.

Le livre a néanmoins un défaut : la fin, ou plutôt l'absence de fin. Le dénouement n'est vraiment pas à la hauteur du reste de l'ensemble
 & la lecture laisse un goût d'inachevé et de frustration. Si on se réfère au ton de l'œuvre et au sens de l'épigraphe (citation susmentionnée), on ne peut construire une fin que nécessairement pessimiste, et pour cause : « Ce n'est pas impunément qu'on erre sous les palmiers... ».

Enfin, il faut signaler que ce roman a reçu le
prix Médicis, le 
prix du roman de Fnac et le prix Jean Giono 2008.

Une dernière remarque : en consultant la biographie d’Athanase Kircher sur deux encyclopédies (Wikipédia & l’Encyclop
ædia Universalis), je me suis posé la question suivante : comment un homme de cette stature n’a pas pu laisser son nom à la postérité à l'instar de certains de ses illustres contemporains (Newton, Descartes, etc.) ? À mon avis la réponse est simple : malgré son savoir encyclopédique, ce savant jésuite n’a pas apporté de contributions majeures à la science. Il avait de bons raisonnements mais aboutissait à des résultats erronés puisqu’il partait d’hypothèses fausses. La meilleure illustration à cela est sans doute l’exemple des hiéroglyphes qu’il pensait – à tort – avoir déchiffrés. 

Conclusion : Même si on est déçu par la fin, Là où les tigres sont chez eux reste un 
excellent livre et on constate avec joie que certains auteurs contemporains sont encore capables de produire des textes littéraires d'une grande qualité & pas seulement de la littérature de gare. Pour l'édition, je vous conseille le format poche car d'une part, il coûte moins cher, & d'autre part, il est de meilleure qualité typographique (en grand format, les caractères sont assez petits). 

*Le « et » est remplacé par l'esperluette, comme dans certains passages du livre !

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